La responsabilité à l’égard des tiers : troubles de voisinage

La théorie des troubles de voisinage constitue“une source autonome de responsabilité qui ne doit être confondue ni avec l’application des articles 1382 et 1383, ni avec celle de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil” (G. Durry : RTD civ. 1974, p. 609. – J.-L. Bergel : RD imm. 1979, p. 32 s. – Cass. 3e civ., 24 sept. 2003 : Bull. civ. 2003, III, n° 160 ; Resp. civ. et assur. 2003, 324, note H. Groutel ; RD imm. 2003, p. 582, obs. Ph. Malinvaud) ni avec celle édictée par l’article 1384, alinéa 2, du Code civil en cas de communication d’incendie (Cass. 3e civ., 15 nov. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 345 ; RD imm. 1979, p. 306, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 1979, p. 802, obs. G. Durry).
Il s’agit d’une responsabilité objective. Elle n’est pas liée à la propriété du fonds voisin : un locataire peut agir sur ce fondement (Cass. 2e civ., 18 juin 1995 : Bull. civ. 1995, II, n° 222 ; Resp. civ. et assur. 1995, comm. n° 327 ; RD imm. 1996, p. 175, obs. J.-L. Bergel). Elle peut motiver la responsabilité du promoteur en cas de dommages subis par l’immeuble contigu, de troubles causés par l’ouvrage lui-même, voire à l’occasion de dommages engendrés par le chantier H. Groutel, Travaux immobiliers et trouble de voisinage : une jurisprudence troublante : Resp. civ. et assur. 1999, chron. n° 23).
L’activité du chantier, pendant la construction, peut engendrer pour les voisins des troubles excessifs : bruits, poussières, dégradations, etc. En l’absence de faute des constructeurs, les victimes peuvent se fonder sur la théorie de troubles de voisinage pour en obtenir réparation.
La jurisprudence retient alors la responsabilité du maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 4 nov. 1971 : JCP G 1972, II, 17070, note B. Boubli), du propriétaire actuel de l’immeuble (Cass. 3e civ., 11 mai 2000, Bull. civ. 2000, III, n° 106 ; D. 2000, somm. comm. p. 2231, obs. p. Jourdain) et celle des constructeurs (Cass. 3e civ., 30 juin 1998 : Bull. civ. 1998, III, n° 144).
Quand le promoteur a la qualité de maître de l’ouvrage, lorsqu’il vend après achèvement ou sur plans, sa responsabilité peut se trouver engagée en application de la théorie des troubles de voisinage. La responsabilité ne doit pas incomber aux acquéreurs de l’immeuble, dès lors qu’il s’agit de troubles de voisinage qui se sont produits pendant la durée des travaux.
La jurisprudence considère, à cet égard que chacun des responsables d’un même dommage doit, quel que soit le fondement de sa responsabilité, être condamné envers la victime à le réparer en entier et décide que la faute imputée à l’entrepreneur ne peut exonérer le propriétaire de la responsabilité lui incombant en cette qualité (Cass. 3e civ., 8 mai 1979, préc. – V. supra n° 50).
Ainsi, chaque fois qu’il est propriétaire de l’immeuble ou maître de l’ouvrage, le promoteur est-il responsable à l’égard des tiers, sur le fondement de la théorie des troubles de voisinage, des dommages causés aux immeubles voisins.
Les troubles de voisinage résultant des constructions édifiées peuvent être divers : odeurs, d’émanations, de poussières, de bruits, de privation d’ensoleillement, de gêne pour le tirage des cheminées ou pour la réception des émissions radiophoniques ou télévisées, de déversement d’eaux pluviales, et de dégradation du paysage et de l’environnement urbain, donc de l’esthétisme (Cass. 3e civ., 9 mai 2001 : Resp. civ. et assur. 2001, comm. n° 262).
Pour ces cas, seuls les propriétaires actuels doivent répondre de ces troubles parce que tout à la fois l’immeuble est achevé et le promoteur n’est plus propriétaire (Cass. 3e civ., 24 janv. 1973 : Bull. civ. 1973, III, n° 77) quand bien même ces inconvénients pourraient avoir pour origine des fautes de conception et de construction qui ne leur seraient pas imputables.
La réparation du trouble subi par les voisins, lorsqu’elle conduit à ordonner des travaux de reprise sur l’immeuble construit, entraîne l’application des garanties bienno-décennales (Cass. 3e civ., 31 mars 2005 : Constr.-urb. 2005, comm. n° 104, obs. M.-L. Pages de Varenne ; RD imm. 2005, p. 295, obs., H. Périnet-Marquet).