Les contrats de type particulier

La diversité des techniques juridiques utilisées dans le domaine de la promotion immobilière a conduit à une diversification de contrats spécifiques, régis par des textes particuliers. Tel est le cas des différentes sociétés réglementées par la loi du 16 juillet 1971, de la vente d’immeubles à construire, du contrat de promotion immobilière. Le contrat de construction de maisons individuelles, soumis aux articles L. 231-1 et suivants et R. 231-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, intermédiaire entre le contrat d’entreprise et le contrat de promotion immobilière, implique à la charge du constructeur une responsabilité des vices de construction identique à celle des locateurs d’ouvrage.

Cession de parts sociales ou actions

Les cessions de parts sociales ou actions envisagées ici sont celles des anciennes sociétés immobilières constituées sous le régime de la loi du 28 juin 1938 et celles des sociétés d’attribution régies par le titre II de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 (CCH, art. L. 212-1 et s.). Dans les sociétés coopératives de construction constituées sous la forme de coopératives d’attribution, toute cession volontaire de droits sociaux entre vifs à titre onéreux est prohibée pendant l’opération de construction (CCH, art. L. 213-11, al. 7), ce qui est conforme à l’esprit non spéculatif de la coopération. Pour les sociétés d’attribution du titre II, on sait que lorsque l’opération relève du secteur du logement, au sens du Code de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire, quand 10 % au moins de l’immeuble sont à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, la société doit conclure un contrat de promotion immobilière ou en confier les opérations constitutives à son représentant légal ou statutaire (CCH, art. L. 212-10). La cession volontaire de parts ou actions à des tiers ne peut alors intervenir qu’à partir de la conclusion du contrat de promotion immobilière ou l’approbation de l’écrit équivalent, si les souscripteurs initiaux ont effectué des versements pour les études techniques et financières du programme et l’achat du terrain (CCH, art. L. 212-10).

Le juge décide que le vendeur de parts sociales d’une société de construction n’est pas tenu de la garantie des vices cachés, telle qu’elle est édictée par l’article 1641 du Code civil (Cass. 3e civ., 16 mai 1977 : Bull. civ. 1977, III, n° 206 ; JCP G 1979, II, 19074, note F. Monéger ; D. 1977, inf. rap. p. 444) ni, d’ailleurs de la conformité des travaux au devis descriptif (Cass. 3e civ., 11 janv. 1977 : Bull. civ. 1977, III, n° 10). Il décide également qu’en l’absence de subrogation, le cessionnaire de parts ne dispose d’aucune action contractuelle de droit commun contre l’architecte dont la responsabilité ne peut être recherchée par lui que sur le plan quasi-délictuel (Cass. 3e civ., 13 déc. 1989 : Bull. civ. 1989, III, n° 235).

Finalement, le cédant de parts ou actions d’une société de construction de la loi de 1938 ou d’une société d’attribution ne doit garantie que de l’existence des droits sociaux par lui cédés et non celle d’un vendeur d’appartement (TGI Grasse, 12 déc. 1969 : JCP G 1972, II, 17253, note Pétot-Fontaine. – CA Paris, 12 juill. 1972 : Gaz. Pal. 1972, 2, p. 674).
La jurisprudence est sur ce point très changeante.

La Cour de cassation, relevant “que la SCI n’a été qu’une technique de commercialisation, que la cession de ses parts n’a été qu’une forme juridique dénuée d’effets réels… puisque l’acte de cession entraînait partage immédiat et attribution des lots aux acheteurs et qu’enfin sous forme de cession de parts, il a été procédé à des ventes d’immeuble achevé”, a admis que les vendeurs étaient tenus de la garantie des vices cachés édictée par l’article 1641 du Code civil (Cass. 3e civ., 5 mai 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 90 ; RD imm. 1981, p. 385, obs. Groslière et Jestaz).

Il a été également admis qu’une SCI était elle-même directement tenue d’une certaine conformité par rapport au règlement de copropriété à l’égard de ses membres, associés originaires ou cessionnaires de parts, pour condamner “in solidum” la société de construction et le cédant de parts sociales pour inexécution de leurs obligations contractuelles (Cass. 3e civ., 17 mars 1981 : RD imm. 1982, obs. Groslière et Jestaz).
De même, rappelant que les associés d’une société d’attribution de la loi du 28 juin 1938 ont, avant partage, un droit personnel de jouissance attaché aux parts sociales, la 3e chambre civile en a déduit que “bien que la société demeure propriétaire de l’immeuble jusqu’au partage, les associés peuvent, en tant qu’attributaires en jouissance, exiger de la société une jouissance conforme à ce qui a été prévu dans l’état descriptif et obtenir des dommages-intérêts du fait de non-conformité des garages” (Cass. 3e civ., 7 juill. 1982 : Bull. civ. 1982, III, n° 173 ; D. 1982, inf. rap. p. 510 ).

La Cour d’appel d’Aix a jugé que “si une société immobilière d’attribution est tenue de garantir les propriétaires de parts ou d’actions contre les conséquences des désordres pouvant affecter les locaux dont ils sont attributaires en jouissance, cette obligation de garantir cesse lorsque les intéressés deviennent attributaires en propriété des mêmes locaux, dans la mesure où leur retrait ne peut être assimilé à une vente et opère simplement transfert à leur profit des droits et actions de la société” (CA Aix-en-Provence, 3e ch. civ., B, 28 févr. 1989, Stés Sud carrelage et SAI Résidence La Cadenelle c/ Sté Campenon Bernard Europe et autres, inédit).

Vente d’immeubles à construire

La loi du 3 janvier 1967 a instauré “une garantie des vices apparents” (C. civ., art. 1642-1 et 1648, al. 2).

D’autre part, elle a soumis le vendeur d’immeubles à construire à la garantie des vices cachés ou des malfaçons dont les architectes, entrepreneurs ou autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage étaient eux-mêmes tenus en application des articles 1792 et 2270 du Code civil (C. civ., art. 1646-1). Or, ce régime particulier est d’ordre public, l’article 12 de la loi du 3 janvier 1967 réputant non écrite toute clause contraire aux dispositions des articles 1642-1 et 1646-1 du Code civil. L’article 5 de la loi du 3 janvier 1967 étend d’ailleurs, sur ce point, le domaine d’application de la loi du 3 janvier 1967 puisque, “lorsque l’un quelconque des locaux composant un immeuble a été vendu à terme, ou en l’état futur d’achèvement, la vente après achèvement d’un local compris dans cet immeuble est assujettie aux dispositions de l’article 1646-1” (mais pas à celles de l’art. 1642-1).

Le législateur a donc calqué la garantie des vices cachés due par le vendeur d’immeubles à construire sur celle des architectes et des entrepreneurs ou autres locateurs d’ouvrage. Il y a là une logique certaine : le vendeur “joue en quelque sorte le rôle d’un organisme-relais entre les acquéreurs qui le connaissent seul, et les maîtres d’oeuvres, avec lesquels seul il traite : sa responsabilité pour vice de la chose ne peut donc être rationnellement que celle qui pèse sur ces derniers et contre lesquels d’ailleurs il se retournera lorsqu’il sera poursuivi”(R. Saint-Alary, La vente d’immeubles à construire et l’obligation de garantie à raison des vices de construction : JCP G 1968, I, 2146).

La garantie mise à la charge du vendeur d’immeubles à construire par les articles 1642-1 et 1646-1 du Code civil concerne les promoteurs, personnes physiques, les sociétés de vente (L. 16 juill. 1971, art. 1 à 4) ou même les coopératives de vente (L. 16 juill. 1971, art. 22) qui sont assimilées à des vendeurs professionnels et qui sont, effectivement, en pratique, des promoteurs de métiers. Il est donc indifférent de distinguer selon qu’ils sont de bonne ou de mauvaise foi (Ph. Malinvaud, La garantie des vices par le vendeur-promoteur de constructions immobilières : unité ou diversité : JCP G 1969, I, 2284, n° 16).

Le vendeur peut en outre, éviter la résolution du contrat ou la diminution du prix en s’obligeant à réparer le vice (C. civ., art. 1642-1 et 1646-1, al. 4).

Contrat de promotion immobilière

Le contrat de promotion immobilière défini par l’article 1831-1 du Code civil est peu utilisé.

La loi impose la conclusion d’un contrat de promotion immobilière dans un certain nombre de circonstances où les garanties qu’il comporte apparaissent indispensables. Tel est le cas quand une société d’attribution construit un immeuble à usage d’habitation au sens de l’article L. 242-1 du Code de la construction et de l’habitation ou pour les sociétés coopératives de construction dans lesquelles les droits des associés sont représentés par des parts ou des actions donnant vocation à l’attribution d’un lot par voie de partage.
Ces sociétés d’attribution et coopératives ont alors l’obligation soit de conclure un contrat de promotion immobilière, soit de confier les opérations constitutives de la promotion immobilière à leur représentant légal ou statutaire (V. supra n° 19) dont la responsabilité est appréciée conformément à l’article 1831-1 du Code civil.

Le contrat de promotion immobilière est alors conclu entre une société immobilière et le promoteur. Il peut aussi, outre les cas où il est obligatoire, intervenir entre une personne quelconque et un promoteur à condition que celui-ci ne procure pas le terrain à son client, car l’article 44 de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 oblige alors dans la plupart des hypothèses, à conclure une vente d’immeubles à construire. Un particulier, désireux de faire construire un immeuble de rapport ou une villa, une société ordinaire en quête de locaux, peuvent parfaitement avoir recours à un contrat de promotion immobilière.

Le maître de l’ouvrage peut agir en responsabilité contractuelle contre les entrepreneurs qui sont en effet ses cocontractants, puisque le promoteur est au moins en droit un simple mandataire. Mais en pratique, la question est plutôt de savoir si le maître d’ouvrage peut attaquer directement le promoteur sans avoir épuisé les voies d’exécution contre l’entrepreneur, et même sans l’avoir fait préalablement condamner.
Lorsque “le promoteur s’engage à exécuter lui-même partie des opérations du programme, il est tenu, quant à ces opérations, des obligations d’un locateur d’ouvrage” (C. civ., art. 1831-1 in fine).

La garantie des vices apparents

La vente d’immeubles à construire déroge au droit commun selon lequel “le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même” (C. civ., art. 1642). L’article 1642-1 du Code civil dispose : “Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents”.

Le vice apparent est celui qu’un profane doit normalement déceler, ce que la jurisprudence apprécie in abstracto (Cass. 2e civ., 19 mai 1958 : JCP G 1958, II, 10808, note Starck. – Malinvaud et Jestaz, op. cit., n° 90). Ce sont “ceux qui peuvent être décelés par un maître de l’ouvrage normalement diligent au moment où a lieu la réception” (Cass. 3e civ., 23 nov. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 415), sans qu’il ait à s’entourer des conseils d’un homme de l’art (Cass. 3e civ., 3 mai 1989 : Bull. civ. 1989, III, n° 101).

Néanmoins, le caractère apparent du vice est admis à l’égard d’un acquéreur disposant de connaissances techniques. Mais les tribunaux disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. Il décident que le vice est caché parce que ses causes n’ont pu être révélées que par une expertise (Cass. 3e civ., 22 nov. 1977 : JCP G 1978, IV, 29. – Cass. 3e civ., 7 juin 1978 : D. 1978, inf. rap. p. 502. – CA Aix, 8 déc. 1982 : Bull. Arrêts CA Aix, 1982, 3-4, n° 180) ou, bien qu’il ait été apparent lors de la réception, parce qu’on ne pouvait alors en mesurer les conséquences et la gravité (Cass. 3e civ., 23 janv. 1980 : Bull. civ. 1980, III, n° 22 ; défaut d’isolation thermique. – Cass. 3e civ., 2 déc. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, somm. p. 108 ; RD imm. 1982, p. 248, obs. Groslière et Jestaz).

L’apparence de vice doit être appréciée à un moment où l’acquéreur est en mesure de le détecter. Le vice apparent est alors celui qui s’est révélé avant le plus tardif des événements que sont la réception des travaux et l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession pour l’acquéreur (C. civ., art. 1642-1).

Bien qu’il soit parfois difficile, en pratique, de distinguer les défauts de conformité des vices, la jurisprudence s’y efforce (Cass. 3e civ., 5 nov. 1980 : Gaz. pal. 1981, 1, somm. p. 52. – Cass. 3e civ., 10 mars 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 50).

Il résulte de cette distinction qu’en cas de non conformité, les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, notamment l’article 1642-1, sont inapplicables (Cass. 3e civ., 5 nov. 1980, préc.) et que l’action de l’acquéreur échappe au délai d’action prévu.

La jurisprudence admet, en outre, dans les rapports entre le maître de l’ouvrage et les locateurs d’ouvrages que la réception sans réserve couvre les défauts de conformité apparents (Cass. 3e civ., 20 janv. 1982 : Bull. civ. 1982, III, n° 20). On pourrait dès lors admettre qu’il en est de même de la prise de possession par l’acquéreur à l’égard de son vendeur.

La distinction des défauts de conformité et des vices apparents a été retenue à propos d’un appartement livré sans placards (Cass. 3e civ., 3 janv. 1979 : RD imm. 1979, p. 477, obs. Groslière et Jestaz). Elle est entérinée par l’article R. 261-1, aliéna 2, du Code de la construction et de l’habitation.

En prévoyant que “le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents”, l’article 1642-1 du Code civil signifie bien que le vendeur n’est pas déchargé de plein droit par la survenance des deux événements retenus par ce texte. Il doit en être déchargé par l’acquéreur expressément et probablement par écrit. Toute décharge donnée avant la réalisation des circonstances visées à l’article 1642-1 du Code civil serait nulle comme constituant un quitus donné par avance pour des vices encore inconnus. La décharge pour être valable doit donc être postérieure. Des auteurs admettent la validité des clauses prévoyant que la décharge résulte automatiquement des événements considérés par l’article 1642-1 du Code civil (D. Sizaire : J.-Cl. V° Construction-Urbanisme, Fasc. 82-30 ou Notarial répertoire, Ventes d’immeubles à construire). Une telle stipulation qui comporte renonciation anticipée au délai d’action de l’article 1648, alinéa 2, sauf acte exprès de réserve de la part de l’acheteur, paraît cependant des plus discutables (En ce sens Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, op. cit., n° 321).

L’action en garantie des vices apparents doit être exercée, “à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents” (C. civ., art. 1648, al. 2). Cette forclusion est mise en échec par un engagement du promoteur de réparer les malfaçons apparentes (Cass. 3e civ., 14 déc. 1977 : Gaz. Pal. 1978, 1, somm. p. 86 ; D. 1978, inf. rap. p. 428, obs. Giverdon ; Rev. loyers 1978, p. 199).

Le délai d’un an s’analyse comme un délai de réflexion et non comme un délai d’épreuve (Ph. Malinvaud : RD imm. 1980, p. 137). La jurisprudence le traite de délai préfix qui ne saurait être interrompu par une assignation en référé (Cass. 3e civ., 3 oct. 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 121, obs. Giverdon ; RD imm. 1979, p. 221, obs. Groslière et Jestaz. – Cass. 3e civ., 30 nov. 1983 ; Gaz. Pal. 1984, pan. jurispr. p. 102).

En l’absence d’action exercée dans le délai prévu, l’acheteur est censé avoir accepté les vices apparents mais le promoteur demeure tenu des vices cachés.

La garantie des vices cachés

Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu pendant dix ans à compter de la réception des travaux, des vices cachés dont les architectes, entrepreneurs et autres… sont eux-mêmes tenus.
La cause étrangère exonératoire sera essentiellement la force majeure, événement extérieur imprévisible et irrésistible ayant un lien de causalité avec les vices constatés. Mais la jurisprudence semble restrictive. Elle a admis l’existence d’un cas de force majeure dans des circonstances diverses : chutes de neige exceptionnelles ayant entraîné l’effondrement d’un toit(Cass. 3e civ., 7 mars 1979 : JCP G 1979, IV, 169. – Contra Cass. 3e civ., 28 sept. 1983 : RD imm. 1984, p. 58, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli), en cas de dommages dus à des variations anormales de la qualité de l’eau (Cass. 3e civ., 5 oct. 1977 : Gaz. Pal. 1977, 2, somm. p. 365. – CA Paris, 1er juill. 1983 : RD imm. 1983, p. 457, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli). Elle ne paraît pas l’admettre en revanche, en cas de vices inhérents aux matériaux utilisés (Cass. 3e civ., 22 oct. 1980 : JCP G 1981, IV, 14).
Le fait des architectes et entrepreneurs ne saurait exonérer le vendeur d’immeubles à construire (Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, op. cit., n° 323). Le vendeur en répond, à l’égard des acquéreurs, quitte à exercer contre eux une action récursoire, voire à l’égard du syndicat de copropriété qu’il doit garantir (CA Versailles, 4e ch. 25 mars 1988, Sté coop. La Moderne c/ Synd. de copr. Résidence Alexandra : Juris-Data n° 1988-034051. – CA Montpellier, 1re ch. 18 févr. 1988, SCI Les Maisons de la mer c/ Synd. de copr. Maison de la mer : Juris-Data n° 1988-0496). La garantie du vendeur se rattache à la protection due à l’acquéreur (A. Jourdan, La police des maîtres d’ouvrage : Assur. fr. 1975, p. 51).
Les vices sont des “désordres affectant la construction”, c’est-à-dire des “anomalies” (Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, op. cit., n° 106).
Les désordres ne sont des vices garantis que s’ils remontent à l’époque de la construction. Peu importe qu’il s’agisse de vices de l’ouvrage proprement dit ou qu’ils proviennent d’un vice du sol. Enfin, les vices doivent être cachés mais cette clandestinité est présumée jusqu’à preuve contraire. On considère d’ailleurs comme vice caché les séquelles d’un vice apparent quand elles étaient insoupçonnables au moment de la réception (Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, op. cit., n° 108. – Pour un défaut d’isolation phonique dont l’intensité ne s’est réellement révélée que par la suite V. Cass. 3e civ., 23 nov. 1976 : Gaz. Pal. 1977, 1, somm. p. 20 ; Bull. civ. 1976, III, n° 415. – Cass. 3e civ., 2 déc. 1980 : RD imm. 1982, p. 248, obs. Groslière et Jestaz. – V. supra n° 30).
Le vendeur garantit les gros ouvrages pendant dix ans, et les menus ouvrages pendant deux ans.
Ainsi, par exemple, a-t-il été décidé que le vendeur doit la garantie décennale pour les malfaçons des planchers qui affectent le gros oeuvre et dépassent la mesure des imperfections auxquelles on doit s’attendre dans la construction (Cass. 3e civ., 21 janv. 1976 : Rev. loyers 1976, p. 270) ou pour des désordres s’étendant à toute l’installation d’eau chaude impliquant le changement de l’ensemble des tuyauteries, encastrées ou non, et qui affectaient indistinctement toutes les portions de la canalisation (Cass. 3e civ., 22 juin 1977 : JCP G 1979, II, 19226, obs. F. Monéger. – Cass. 3e civ., 21 oct. 1981 : JCP G 1982, IV, 14. – Cass. 3e civ., 17 mars 1982 : RD imm. 1983, p. 68, obs. Malinvaud et Boubli. – CA Versailles, 4e ch. 7 oct. 1988, SCI Saint-James-Parc c/ Cabinet Jubault : Juris-Data n° 1988-044905) ou encore pour les installations de chauffage (Cass. 3e civ., 1er déc. 1981 : D. 1982, inf. rap. p. 107. – Cass. 3e civ., 2 déc. 1981 : D. 1982, inf. rap. p. 101 ; JCP G 1982, IV, 75. – Cass. 3e civ., 6 janv. 1983 : JCP G 1983, IV, 88).

Garantie biennale et garantie décennale sont d’ordre public dans les ventes d’immeubles à construire. Les délais de deux et de dix ans courent à partir de la réception des travaux sans réserves ou à compter de la levée des réserves pour les travaux qui en avaient fait l’objet (CCH, art. R. 111-24) mais la réception peut n’être que tacite et résulter d’événements tels que la prise de possession des lieux. Il faut enfin tenir compte éventuellement des stipulations contractuelles.

La responsabilité à l’égard des tiers : troubles de voisinage

La théorie des troubles de voisinage constitue“une source autonome de responsabilité qui ne doit être confondue ni avec l’application des articles 1382 et 1383, ni avec celle de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil” (G. Durry : RTD civ. 1974, p. 609. – J.-L. Bergel : RD imm. 1979, p. 32 s. – Cass. 3e civ., 24 sept. 2003 : Bull. civ. 2003, III, n° 160 ; Resp. civ. et assur. 2003, 324, note H. Groutel ; RD imm. 2003, p. 582, obs. Ph. Malinvaud) ni avec celle édictée par l’article 1384, alinéa 2, du Code civil en cas de communication d’incendie (Cass. 3e civ., 15 nov. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 345 ; RD imm. 1979, p. 306, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 1979, p. 802, obs. G. Durry).
Il s’agit d’une responsabilité objective. Elle n’est pas liée à la propriété du fonds voisin : un locataire peut agir sur ce fondement (Cass. 2e civ., 18 juin 1995 : Bull. civ. 1995, II, n° 222 ; Resp. civ. et assur. 1995, comm. n° 327 ; RD imm. 1996, p. 175, obs. J.-L. Bergel). Elle peut motiver la responsabilité du promoteur en cas de dommages subis par l’immeuble contigu, de troubles causés par l’ouvrage lui-même, voire à l’occasion de dommages engendrés par le chantier H. Groutel, Travaux immobiliers et trouble de voisinage : une jurisprudence troublante : Resp. civ. et assur. 1999, chron. n° 23).
L’activité du chantier, pendant la construction, peut engendrer pour les voisins des troubles excessifs : bruits, poussières, dégradations, etc. En l’absence de faute des constructeurs, les victimes peuvent se fonder sur la théorie de troubles de voisinage pour en obtenir réparation.
La jurisprudence retient alors la responsabilité du maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 4 nov. 1971 : JCP G 1972, II, 17070, note B. Boubli), du propriétaire actuel de l’immeuble (Cass. 3e civ., 11 mai 2000, Bull. civ. 2000, III, n° 106 ; D. 2000, somm. comm. p. 2231, obs. p. Jourdain) et celle des constructeurs (Cass. 3e civ., 30 juin 1998 : Bull. civ. 1998, III, n° 144).
Quand le promoteur a la qualité de maître de l’ouvrage, lorsqu’il vend après achèvement ou sur plans, sa responsabilité peut se trouver engagée en application de la théorie des troubles de voisinage. La responsabilité ne doit pas incomber aux acquéreurs de l’immeuble, dès lors qu’il s’agit de troubles de voisinage qui se sont produits pendant la durée des travaux.
La jurisprudence considère, à cet égard que chacun des responsables d’un même dommage doit, quel que soit le fondement de sa responsabilité, être condamné envers la victime à le réparer en entier et décide que la faute imputée à l’entrepreneur ne peut exonérer le propriétaire de la responsabilité lui incombant en cette qualité (Cass. 3e civ., 8 mai 1979, préc. – V. supra n° 50).
Ainsi, chaque fois qu’il est propriétaire de l’immeuble ou maître de l’ouvrage, le promoteur est-il responsable à l’égard des tiers, sur le fondement de la théorie des troubles de voisinage, des dommages causés aux immeubles voisins.
Les troubles de voisinage résultant des constructions édifiées peuvent être divers : odeurs, d’émanations, de poussières, de bruits, de privation d’ensoleillement, de gêne pour le tirage des cheminées ou pour la réception des émissions radiophoniques ou télévisées, de déversement d’eaux pluviales, et de dégradation du paysage et de l’environnement urbain, donc de l’esthétisme (Cass. 3e civ., 9 mai 2001 : Resp. civ. et assur. 2001, comm. n° 262).
Pour ces cas, seuls les propriétaires actuels doivent répondre de ces troubles parce que tout à la fois l’immeuble est achevé et le promoteur n’est plus propriétaire (Cass. 3e civ., 24 janv. 1973 : Bull. civ. 1973, III, n° 77) quand bien même ces inconvénients pourraient avoir pour origine des fautes de conception et de construction qui ne leur seraient pas imputables.
La réparation du trouble subi par les voisins, lorsqu’elle conduit à ordonner des travaux de reprise sur l’immeuble construit, entraîne l’application des garanties bienno-décennales (Cass. 3e civ., 31 mars 2005 : Constr.-urb. 2005, comm. n° 104, obs. M.-L. Pages de Varenne ; RD imm. 2005, p. 295, obs., H. Périnet-Marquet).

La responsabilité à l’égard des tiers : article 1382 et s. du Code civil

La jurisprudence considère par exemple que “la notion de trouble de voisinage ne peut être étendue au cas de communication d’un incendie entre immeubles voisins” et que la réparation d’un tel dommage est soumise aux dispositions de l’article 1384, alinéa 2, du Code civil(Cass. 3e civ., 15 nov. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 345 ; D. 1979, inf. rap. p. 347, obs. C. Larroumet ; RTD civ. 1979, p. 802, obs. G. Durry ; RD imm. 1979, p. 306, obs. J.-L. Bergel). De même, les dommages subis par les voisins du fait de la ruine d’un immeuble échappent à la théorie des troubles de voisinage et relèvent des dispositions de l’article 1386 du Code civil (Cf. CA Amiens, 7 juill. 1949 : JCP G 1950, II, 5244 ; M.-C. Lambert-Piéri, article préc. n° 55 s. – Construction immobilière et dommages aux voisins, Économica 1982, préface Ph. Malinvaud, n° 200 s.).

Le promoteur, s’il est maître de l’ouvrage, peut être responsable à l’égard des tiers en application de l’article 1382 du Code civil, s’il a pris l’initiative d’une construction irrégulière et dommageable pour les tiers, ou s’il a commis une faute en faisant ou en laissant édifier un bâtiment matériellement dommageable (CA Aix-en-Provence, 3e ch. civ., 2 mars 2002 : Juris-Data n° 2002-184634).

L’édification d’un bâtiment en infraction à la réglementation du permis de construire, si elle ne suffit pas à fonder une action en démolition de la part des tiers qui ne peuvent se prévaloir de dispositions strictement d’intérêt général, constitue cependant une faute qui justifie la responsabilité civile du promoteur dans la mesure où elle engendre un préjudice à l’égard des demandeurs.

La méconnaissance des servitudes d’urbanisme autorise les tiers qui en subissent un préjudice à demander la démolition des ouvrages irréguliers, mais elle constitue également une faute génératrice de responsabilité, sous réserve des conditions posées par l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme (Cass. 3e civ., 22 nov. 1983 : Bull. civ. 1983, III, n° 238. – Cass. 3e civ., 31 janv. 1984 : D. 1984, inf. rap. p. 191 ; RD imm. 1984, p. 286, obs. J.-L. Bergel).

Les dommages causés par une construction défectueuse aux immeubles voisins entraînent aussi la responsabilité du promoteur, maître de l’ouvrage, s’il a eu connaissance des risques qu’elle comportait pour eux et s’il n’a pas mis en oeuvre tous les procédés de nature à les éviter ou pris les précautions nécessaires (Cass. 3e civ., 27 mars 1973 : Bull. civ. 1973, III, n° 23, dommages dus au raccordement à l’égout public. – Cass. 3e civ., 5 janv. 1973 : Bull. civ. 1973, III, n° 27, insuffisance des travaux de sécurité. – Cass. 3e civ., 4 févr. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 51, creusement d’une tranchée. – Cass. 3e civ., 12 juill. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 316, absence de précautions pour démolir un mur de soutènement. – CA Paris, 19e ch. A, 11 oct. 1988 : Juris-Data n° 1988-025146 : connaissance des risques d’inondation et absence de prise de mesures préventives).

La connaissance du risque et des insuffisances des travaux résulte à l’évidence de la “compétence notoire” du promoteur et de son immixtion dans les travaux. Elle est aisément déduite par la jurisprudence de la profession du maître de l’ouvrage (Cass. 1re civ., 6 juin 1962 : Bull. civ. 1962, I, n° 298. – Cass. 3e civ., 12 juill. 1976, préc.) voire de la simple vraisemblance que le maître de l’ouvrage ne pouvait ignorer les risques(Cass. 3e civ., 4 févr. 1976, préc.), du fait qu’il avait été informé des aléas de la construction (Cass. 3e civ., 8 juill. 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 448. – Cass. 3e civ., 5 janv. 1973, préc.) ou encore de l’identité de siège social et d’intérêt avec un coordinateur de travaux (CA Paris, 19e ch. A, 11 oct. 1988, préc.). Il en va ainsi lorsque l’acceptation délibérée des risques fait suite à une information complète et éclairée.

La responsabilité du promoteur à l’égard des tiers peut être fondée sur l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil lorsqu’il détient la garde de l’immeuble, c’est-à-dire les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle de cet immeuble. Tel peut être le cas s’il en est propriétaire ou maître de l’ouvrage et également lorsqu’il n’est que maître d’œuvre.