La garantie des vices apparents

La vente d’immeubles à construire déroge au droit commun selon lequel “le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même” (C. civ., art. 1642). L’article 1642-1 du Code civil dispose : “Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents”.

Le vice apparent est celui qu’un profane doit normalement déceler, ce que la jurisprudence apprécie in abstracto (Cass. 2e civ., 19 mai 1958 : JCP G 1958, II, 10808, note Starck. – Malinvaud et Jestaz, op. cit., n° 90). Ce sont “ceux qui peuvent être décelés par un maître de l’ouvrage normalement diligent au moment où a lieu la réception” (Cass. 3e civ., 23 nov. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 415), sans qu’il ait à s’entourer des conseils d’un homme de l’art (Cass. 3e civ., 3 mai 1989 : Bull. civ. 1989, III, n° 101).

Néanmoins, le caractère apparent du vice est admis à l’égard d’un acquéreur disposant de connaissances techniques. Mais les tribunaux disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. Il décident que le vice est caché parce que ses causes n’ont pu être révélées que par une expertise (Cass. 3e civ., 22 nov. 1977 : JCP G 1978, IV, 29. – Cass. 3e civ., 7 juin 1978 : D. 1978, inf. rap. p. 502. – CA Aix, 8 déc. 1982 : Bull. Arrêts CA Aix, 1982, 3-4, n° 180) ou, bien qu’il ait été apparent lors de la réception, parce qu’on ne pouvait alors en mesurer les conséquences et la gravité (Cass. 3e civ., 23 janv. 1980 : Bull. civ. 1980, III, n° 22 ; défaut d’isolation thermique. – Cass. 3e civ., 2 déc. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, somm. p. 108 ; RD imm. 1982, p. 248, obs. Groslière et Jestaz).

L’apparence de vice doit être appréciée à un moment où l’acquéreur est en mesure de le détecter. Le vice apparent est alors celui qui s’est révélé avant le plus tardif des événements que sont la réception des travaux et l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession pour l’acquéreur (C. civ., art. 1642-1).

Bien qu’il soit parfois difficile, en pratique, de distinguer les défauts de conformité des vices, la jurisprudence s’y efforce (Cass. 3e civ., 5 nov. 1980 : Gaz. pal. 1981, 1, somm. p. 52. – Cass. 3e civ., 10 mars 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 50).

Il résulte de cette distinction qu’en cas de non conformité, les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, notamment l’article 1642-1, sont inapplicables (Cass. 3e civ., 5 nov. 1980, préc.) et que l’action de l’acquéreur échappe au délai d’action prévu.

La jurisprudence admet, en outre, dans les rapports entre le maître de l’ouvrage et les locateurs d’ouvrages que la réception sans réserve couvre les défauts de conformité apparents (Cass. 3e civ., 20 janv. 1982 : Bull. civ. 1982, III, n° 20). On pourrait dès lors admettre qu’il en est de même de la prise de possession par l’acquéreur à l’égard de son vendeur.

La distinction des défauts de conformité et des vices apparents a été retenue à propos d’un appartement livré sans placards (Cass. 3e civ., 3 janv. 1979 : RD imm. 1979, p. 477, obs. Groslière et Jestaz). Elle est entérinée par l’article R. 261-1, aliéna 2, du Code de la construction et de l’habitation.

En prévoyant que “le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents”, l’article 1642-1 du Code civil signifie bien que le vendeur n’est pas déchargé de plein droit par la survenance des deux événements retenus par ce texte. Il doit en être déchargé par l’acquéreur expressément et probablement par écrit. Toute décharge donnée avant la réalisation des circonstances visées à l’article 1642-1 du Code civil serait nulle comme constituant un quitus donné par avance pour des vices encore inconnus. La décharge pour être valable doit donc être postérieure. Des auteurs admettent la validité des clauses prévoyant que la décharge résulte automatiquement des événements considérés par l’article 1642-1 du Code civil (D. Sizaire : J.-Cl. V° Construction-Urbanisme, Fasc. 82-30 ou Notarial répertoire, Ventes d’immeubles à construire). Une telle stipulation qui comporte renonciation anticipée au délai d’action de l’article 1648, alinéa 2, sauf acte exprès de réserve de la part de l’acheteur, paraît cependant des plus discutables (En ce sens Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, op. cit., n° 321).

L’action en garantie des vices apparents doit être exercée, “à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents” (C. civ., art. 1648, al. 2). Cette forclusion est mise en échec par un engagement du promoteur de réparer les malfaçons apparentes (Cass. 3e civ., 14 déc. 1977 : Gaz. Pal. 1978, 1, somm. p. 86 ; D. 1978, inf. rap. p. 428, obs. Giverdon ; Rev. loyers 1978, p. 199).

Le délai d’un an s’analyse comme un délai de réflexion et non comme un délai d’épreuve (Ph. Malinvaud : RD imm. 1980, p. 137). La jurisprudence le traite de délai préfix qui ne saurait être interrompu par une assignation en référé (Cass. 3e civ., 3 oct. 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 121, obs. Giverdon ; RD imm. 1979, p. 221, obs. Groslière et Jestaz. – Cass. 3e civ., 30 nov. 1983 ; Gaz. Pal. 1984, pan. jurispr. p. 102).

En l’absence d’action exercée dans le délai prévu, l’acheteur est censé avoir accepté les vices apparents mais le promoteur demeure tenu des vices cachés.