La responsabilité résiduelle

Les dommages non couverts par la responsabilité spécifique des constructeurs le sont par la responsabilité de droit commun (Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, “Droit de la promotion immobilière” : Dalloz, Paris, 7e éd., n° 166).

Le promoteur doit encourir une responsabilité contractuelle de droit commun dont les modalités sont particulières.

Une jurisprudence décide que le promoteur est, en cette qualité, tenu envers ses clients d’une obligation de résultat (CA Paris, 23e ch., sect. A, 9 avr. 1986 : Juris-Data n° 1986-022995. – CA Paris, 1re ch., sect. B, 30 avr. 1987 : Juris-Data n° 1987-022243. – CA Paris, 23e ch., sect. A, 5 déc. 1988 :Juris-Data n° 1988-026801. – CA Paris, 19e ch., sect. B, 2 mars 1989 : Juris-Data n° 1989-021013. – CA Chambéry, ch. civ., sect. 2, 30 nov. 1994 : Juris-Data n° 1994-047140. – CA Orléans, ch. civ., 19 janv. 2004 : Juris-Data n° 2004-232594).

Cette obligation de résultat est utilisée pour toutes sortes de dommages et à l’égard des divers types de promoteurs, quelle que soit leur qualification juridique, à l’exception toutefois du promoteur bénévole (Cass. 3e civ., 14 déc. 1982 : RD imm. 1984, p. 194, obs. J.-C. Groslière et Ph. Jestaz). Sous cette réserve, l’obligation de résultat n’implique donc pas que le souscripteur démontre la faute du promoteur. Mais celui-ci doit pouvoir s’exonérer en prouvant que le dommage provient d’une cause étrangère (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003 : Juris-Data n° 2003-021400. – CA Paris, 2e ch. B, 24 sept. 1998 : Juris-Data n° 1998-022303). Cette responsabilité de droit commun doit pouvoir être mise en oeuvre pendant dix ans (Cass. 3e civ., 16 oct. 2002 : préc. n° 5).

Le promoteur ne peut être déclaré responsable envers l’accédant à la propriété que sur le terrain de l’article 1382 du Code civil, c’est-à-dire celui de la faute prouvée. Exceptionnellement certains arrêts s’attachent à souligner l’absence de contrat (CA Paris, 5 juill. 1988 : D. 1988, inf. rap. p. 212 ; RD imm. 1988, p. 468, obs. J.-C. Groslière et C. Saint- Alary Houin). Ainsi ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 1831-1 du Code civil la Cour d’appel qui condamne une société in solidum avec le vendeur, à réparer des dommages au motif que la responsabilité civile de droit commun doit trouver application à l’encontre de cette personne morale, promoteur tenu d’une obligation de résultat sans préciser si un contrat de promotion immobilière la liait au maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 15 févr. 1989 : JCP G 1989, IV, p. 143).

Le plus souvent, le juge tente d’édifier une responsabilité directe du promoteur à l’égard des souscripteurs qui n’ont pas contracté avec lui mais seulement avec des cédants de parts sociales, voire avec des sociétés de vente. Il n’hésite pas alors à affirmer l’existence d’un contrat innomé ou sui generis entre promoteur et souscripteurs (CA Paris, 8 mars 1966 : RTD com. 1966, p. 965, obs. R. Saint-Alary et l’arrêt de rejet Cass. 1re civ., 13 déc. 1967 : Gaz. Pal. 1968, 1, p. 362, 3e esp).

Les arrêts se bornent à qualifier de promoteur celui qui a pris à la fois l’initiative et le soin principal de l’opération (Cass. 3e civ., 27 févr. 1991 : RD imm. 1991, p. 229, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin), l’un de ces éléments étant parfois seul retenu qu’il s’agisse de l’initiative (Cass. 3e civ., 18 mars 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 60 ; JCP N 1981, II, 235, obs. B. Stemmer ; Rev. loyers 1981, p. 358) ou plus fréquemment du soin principal de l’opération (CA Paris, 6 oct. 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 284 ; RD imm. 1990, p. 220, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin. – CA Paris, 7 févr. 1991 : D. 1991, inf. rap. p. 73 ; RD imm. 1991, p. 486, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin).

Ils en déduisent une obligation de garantie (CA Paris, 13 nov. 1964 : JCP G 1964, II, 14467, note Petot-Fontaine ; RTD com. 1966, p. 362, obs. Saint-Alary. – V. aussi Cass. 3e civ., 22 juin 1977 : Bull. civ. 1977, III, n° 281. – CA Versailles, 23 avr. 1983 : RD imm. 1984, p. 194, obs. J.-C. Groslière et Ph. Jestaz) ou plus généralement, une obligation de résultat (V. réf. citées supra n° 6). Cette responsabilité est qualifiée de contractuelle par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 22 nov. 1977 : Gaz. Pal. 1978, 1, somm. p. 86 ; D. 1978, inf. rap. p. 212).

Cette technique est utilisée en matière de vente, lorsqu’une société qualifiée de promoteur a agi par l’intermédiaire de filiales(Rappr. Cass. 3e civ., 26 juin 1984 : Gaz. Pal. 1985, 1, pan. jurispr. p. 23) ou s’est interposée entre le vendeur et l’acheteur (Cass. 3e civ., 21 mars 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 192), ou encore lorsque le promoteur apparaît comme le vendeur de fait.

La responsabilité contractuelle

Les défauts de conformité consistent en des disparités entre l’immeuble édifié et les documents contractuels. L’effet obligatoire du contrat implique que le promoteur construise un immeuble conforme à ce qu’il a promis dans le contrat, “tant en quantité qu’en qualité, qu’il s’agisse des surfaces, des matériaux, des équipements, etc.” (Ph. Malinvaud et Ph. Jestaz, op. cit., n° 314). Il y a donc défaut de conformité quand l’immeuble, indépendamment de toute malfaçon, ne correspond pas aux promesses du promoteur et, ce, quelle que soit la modification (Cass. 3e civ., 3 mai 1994 : Bull. civ. 1994, III, n° 110 ; RD imm. 1995, p. 761, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin).

La jurisprudence prend soin souvent d’opposer les défauts de conformité et vices apparents qui sont purgés par la réception sans réserve (Cass. 3e civ., 30 mars 1994 : Bull. civ. 1994, III – CA Bordeaux, 1re ch., sect. B, 17 févr. 1997 : Juris-Data n° 1997-040301) ou qui, dans la vente d’immeuble à construire, sont soumis aux dispositions très strictes pour l’acquéreur des articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du Code civil (Cass. 3e civ., 14 déc. 1977 : RD imm. 1979, p. 86, obs. Saint-Alary, Groslière et Jestaz ).

En matière de vente d’immeubles à construire, les articles L. 261-11 et R. 261-13 du Code de la construction et de l’habitation disposent que le contrat doit préciser la description de l’immeuble ou de la partie d’immeuble vendu. Sa consistance résulte des plans, coupes et élévations avec les cotes utiles et l’indication des surfaces de chacune des pièces et des dégagements. Ses caractéristiques techniques se déduisent du devis descriptif ou d’une notice descriptive conforme à un modèle réglementaire. Un plan coté du local vendu et une notice indiquant les éléments d’équipement propres à ce local doivent être annexés au contrat de vente.

Dans le cas de société d’attribution, l’article L. 212-2 du Code de la construction et de l’habitation impose par les statuts, l’état descriptif de division et le règlement, diverses précisions et, pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, la société doit conclure un contrat de promotion immobilière ou en confier les opérations correspondantes à son représentant légal ou statutaire (CCH, art. L. 212-10).

Le contrat de promotion immobilière doit contenir les indications relatives à la situation et à la contenance du terrain, à la consistance et aux caractéristiques techniques du bâtiment à construire ainsi que les devis descriptifs et les conditions d’exécution techniques des travaux(CCH, art. L. 222-3).
La jurisprudence a tendance à se référer à des documents publicitaires pour apprécier l’existence de non-conformité.

Si, en règle générale, on ne peut conférer à une plaquette publicitaire, en raison de la présentation volontairement séduisante qu’elle adopte, la valeur d’un document contractuel, tout dépend en réalité de la nature des renseignements qu’elle diffuse (Cass. com., 17 juin 1997 : Bull. civ. 1997, IV, n° 195, Contrats, conc. consom. 1997, 177, obs. L. Leveneur). Les juges doivent apprécier l’impact psychologique produit sur les acquéreurs par de tels documents et il importe de tenir pour acquis que la volonté de l’acquéreur a été déterminée par les moyens de publicité mis à sa disposition (TGI Paris, 7 avr. 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, somm. p. 261. – V. aussi Cass. 3e civ., 14 mars 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 174. – Cass. 3e civ., 4 janv. 1979 : Gaz. Pal. 1979, 1, somm. p. 214. – Cass. 3e civ., 23 janv. 1979 : D. 1980, p. 412, obs. F. Steinmetz. – Cass. 3e civ., 2 avr. 1979 : RD imm. 1979, p. 477, obs. J.-C. Groslière et Ph. Jestaz. – Cass. 3e civ., 13 janv. 1982 : Gaz. Pal. 1982, 2, pan. jurispr. p. 187 ; JCP N 1982, II, p. 261, note B. Stemmer). Un problème de distinction entre défaut de conformité et publicité mensongère peut alors se poser (CA Paris, 13e ch., sect. A, 6 juill. 1994 : Juris-Data n° 1994-022408).

La jurisprudence sanctionne les défauts de conformité les plus divers :

  • le terrain qui diffère de celle prévue par le contrat (Cass. 3e civ., 19 déc. 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 222 ; RD imm. 1980, p. 177, obs. J.-C. Groslière et Ph. Jestaz)
  • une modification par rapport au règlement de copropriété et à l’état descriptif (TGI Nîmes, 9 janv. 1979 : Quot. jur. 10 juin 1980, n° 3. – CA Lyon, 1re ch., 28 févr. 2002 : Juris-Data n° 2002-173407).
  • l’aspect ou la structure de la construction (TGI Paris, 7 avr. 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, somm. p. 261, balcons non conformes)
  • un manque d’épaisseur des murs, des matériaux (CA Paris, 19e ch., 31 mai 2001 : Juris-Data n° 2001-146823, dallage)
  • des aménagements différents de ceux prévus (Cass. 3e civ., 14 déc. 1977 : D. 1978, inf. rap. p. 428. – Cass. 3e civ., 2 avr. 1979, cité supra n° 9)
  • un revêtement de garage ne comportant pas de “chape bouchardée”. – CA Paris, 19 oct. 1979 : Gaz. Pal. 1980, 1, p. 72, note G. Liet-Veaux, installation de gaz)
  • des différences de pente des toitures (Cass. 3e civ., 19 mai 1981 : RD imm. 1982, p. 248, obs. Groslière et Jestaz)
  • des différences de niveau (Cass. 3e civ., 5 déc. 1979 : RD. imm. 1980, p. 310, obs. Groslière et Jestaz)…

La mise en conformité peut-être imposée en vertu de l’article 1184 du Code civil (Cass. 3e civ., 17 janv. 1984 : Gaz. Pal. 1984, 1, somm. p. 134, obs. Jestaz).

Le retard dans la livraison, générateur d’un dommage pour le maître de l’ouvrage ou pour les souscripteurs des immeubles, relève du droit commun de la responsabilité contractuelle (Cass. com., 1er mars 1954 : Bull. civ. 1954, III, n° 80. – Cass. 1re civ., 18 janv. 1956 : Bull. civ. 1956, I, n° 34).

S’agissant de la responsabilité du promoteur à l’égard des souscripteurs, l’obligation de résultat à laquelle il est tenu implique qu’il soit responsable de plein droit des retards dans l’achèvement de l’immeuble. Il assume l’obligation de livrer l’immeuble dans les délais stipulés et ne peut s’exonérer de sa responsabilité que par la preuve d’un cas de force majeure que la jurisprudence apprécie strictement (CA Paris, 2e ch. sect. A, 18 sept. 2001 : Juris-Data n° 2001-153316).

Les défaillances des locateurs d’ouvrages auxquels le promoteur a eu recours ne l’exonèrent donc pas de sa responsabilité, sauf si elles sont imprévisibles et irrésistibles ; il peut au plus exercer contre eux une action récursoire.

À l’expiration du délai stipulé, prolongé éventuellement en raison de diverses causes d’interruption habituellement admises et constitutives de force majeure (Cass. 3e civ., 11 oct. 2000 : Juris-Data n° 2000-006185 ; Bull. civ. 2000, III, n° 163 ; JCP G 2001, II, p. 257, note Ph. Malinvaud ; JCP N 2001, II, p. 1031, note Ph. Malinvaud. – CA Paris, 19e ch. B, 23 mars 1987 : Juris-Data n° 1987-021540), le retard est traité comme une inexécution du contrat dans le délai convenu et sanctionné, selon l’article 1184 du Code civil, par l’exécution forcée ou la résolution du contrat.

Mais, compte tenu du large pouvoir d’appréciation des tribunaux en la matière, la résolution du contrat est difficilement envisageable et le juge accorde le plus souvent un délai au vendeur et des dommages-intérêts à l’acquéreur (CA Paris, 15e ch. B, 12 mai 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 16 ; RD imm. 1990, p. 500, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin) sous réserve des éventuelles clauses pénales insérées dans la convention.

En cas de cession de parts sociales, le problème est différent car, en pratique, la société ne permet que rarement l’achèvement dans un délai déterminé.

Mais naturellement, rien n’empêche le cédant de garantir au cessionnaire l’achèvement à une certaine date et de s’engager, le cas échéant, à payer une indemnité de retard. Cette convention est valable et doit être exécutée (Cass. 3e civ., 13 févr. 1969 : Bull. civ. 1969, III, n° 137). A cet égard, il importe peu que le cédant soit plus lourdement tenu que la société puisqu’il n’en est pas la caution et s’est engagé à titre principal.

Toutefois, chaque fois qu’un délai d’achèvement a été stipulé, il avait déjà été admis, sous l’empire de la loi du 28 juin 1938, que le promoteur était tenu des retards, comme des malfaçons ou des vices de construction (CA Paris, 8 mars 1966 : JCP G 1966, IV, 75. – V. aussi Cass. 1re civ., 13 déc. 1967 : JCP G 1968, II, 15676, note Couturier ; D. 1968, p. 338, note P.L. ; Gaz. Pal. 1968, 1, p. 362, note Cabanac Bryon).

En cas de contrat de promotion immobilière, l’obligation de stipuler dans le contrat “le délai dans lequel le bâtiment doit être édifié” ne s’impose que pour la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou mixte. En dehors du secteur protégé, les textes n’imposent pas de promettre un tel délai. Mais une référence par la jurisprudence à un délai tacite, raisonnable et conforme aux usages est largement envisageable.

Dès lors, le retard dans l’achèvement constituerait un manquement du promoteur à son obligation de résultat. L’article 1831-1 du Code civil dispose d’ailleurs que “le promoteur est garant de l’exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l’ouvrage”.

Selon l’article R. 222-13 du Code de la construction et de l’habitation, “les dépassements de délai contractuel qui ne sont imputables ni au maître de l’ouvrage, ni à un cas de force majeure ne peuvent entraîner aucune révision de prix au profit du promoteur”. Les clauses de révision de prix n’étant alors bloquées que dans les rapports du promoteur et du maître de l’ouvrage et non à l’égard des entrepreneurs, c’est le promoteur qui supporte seul la charge de ces révisions, dès qu’un retard survient.

Les souscripteurs peuvent agir contre le promoteur en remboursement, soit des versements effectués, soit des mises de fonds supplémentaires. Leur action est fondée sur l’inexécution par le promoteur de ses obligations. Elle atteint aussi bien des sociétés constituées pour réaliser les programmes que le véritable promoteur qui, par ces sociétés interposées, a eu “l’initiative et le soin principal” de l’opération (TGI Toulouse, 16 déc. 1968 : AJPI 1970, II, p. 868, n° 143, 2e esp. ; RTD com. 1970, p. 746, obs. Saint-Alary).

La responsabilité du promoteur résulte alors “du seul fait de l’inexécution non justifiée par un cas fortuit ou de force majeure de l’obligation prise de livrer les appartements promis et sans qu’il soit besoin de recourir aux fautes qui lui sont imputées…”.

Divers autres dommages peuvent être imputés au promoteur :

  • en cas d’insonorisation insuffisante mais ne contrevenant pas à une réglementation “la faute contractuelle” du vendeur a-t-elle été admise (Cass. 3e civ., 20 déc. 1977 : Bull. civ. 1977, III, n° 459 ; Gaz. Pal. 1978, 1, somm. p. 86).
  • troubles de voisinage subis par le souscripteur (Cass. 3e civ., 10 juill. 1980 : JCP G 1980, IV, 324).

Le dol et la faute

La faute lourde est une négligence grave dans l’exécution du contrat qui constitue un manquement à des obligations contractuelles et suscite donc une responsabilité contractuelle (Cass. 1re civ., 28 nov. 1967 : D. 1968, p. 199).Le dol est une faute intentionnelle commise avec l’intention de nuire ou, du moins, de propos délibéré, si bien que l’inexécution de l’obligation est volontaire. Il faut y ajouter la simple violation consciente du contrat par dissimulation ou par fraude sans intention de nuire (Cass. 3e civ., 27 juin 2001 : infra n° 31 et 32. – Cass. 3e civ., 17 nov. 2004 : Bull. civ. 2004, III, n° 206).En matière de promotion immobilière cela suppose, soit que le promoteur a volontairement causé un dommage, en toute connaissance de cause, sinon avec l’intention de nuire, soit qu’il en a dissimulé l’existence pour éviter une action en responsabilité (Rappr. Ph. Malinvaud, Ph. Jestaz, P. Jourdain et O. Tournafond, op. cit., n° 177-1).Le dol n’est pas retenu lorsque les informations à communiquer sur une deuxième tranche de travaux sont juridiquement incertaines puisque le permis de construire n’est pas encore obtenu et le terrain n’est pas encore acquis (Cass. 3e civ., 12 mars 2003 : Juris-Data n° 2003-018185 ; Bull. civ. 2003, III, n° 58).
La jurisprudence a admis que le dol était “une faute extérieure au contrat”, donc de caractère délictuel et relevait de l’article 1382 du Code civil (Cass. 3e civ., 24 oct. 1968 : Bull. civ. 1968, III, n° 403. – Cass. 3e civ., 18 déc. 1972 : D. 1973, p. 272, note J. Mazeaud).
Lorsqu’il ne s’agit que d’une faute lourde, les actions en responsabilité demeurent soumises au délai décennal ou biennal (Cass. 1re civ., 4 avr. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n° 196. – Cass. 1re civ., 7 mars 1966 : Gaz. Pal. 1966, 1, p. 409. – Cass. 1re civ., 28 nov. 1967 : D. 1968, p. 199. – Cass. 3e civ., 5 déc. 1969 : Bull. civ. 1969, III, n° 792. – Cass. 3e civ., 18 juin 1974 : AJPI 1975, p. 716. – Cass. 3e civ., 13 mars 1984, préc. – Cass. 3e civ., 18 juill. 1984 : RD imm. 1985, p. 65, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli. – Cass. 3e civ., 14 janv. 1987 : JCP G 1987, IV, 94 ; RD imm. 1987, p. 236. – Cass. 3e civ., 26 mai 1988 : JCP G 1988, IV, 267. – Cass. 3e civ., 12 oct. 1994 : Bull. civ. 1994, III, n° 171. – V. toutefois Cass. 3e civ., 23 juill. 1986 : RD imm. 1987, p. 62, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli, qualifiant de faute dolosive un comportement qui n’était peut être constitutif que d’une faute lourde).
Les constructeurs ne peuvent pas se prévaloir des clauses limitatives de responsabilité stipulées dans les conventions lorsqu’ils ont commis un dol ou une faute lourde (Cass. 1re civ., 8 mars 1965 : Bull. civ. 1965, I, n° 168. – Cass. 3e civ., 22 avr. 1980 : Bull. civ. 1980, III, n° 77 ; JCP G 1980, IV, 249 ; RD imm. 1980, p. 434, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli).

La responsabilité délictuelle

En droit de la promotion immobilière, la réglementation applicable au secteur du logement est d’ordre public. Les contrats qui la méconnaissent sont donc nuls. Tel est le cas en matière de vente d’immeubles à construire (CCH, art. L. 261-11), de contrat de promotion immobilière (CCH, art. L. 222-3), de contrat de construction de maison individuelle (CCH, art. L. 231-3 ancien et L. 230-1 ; L. n° 90-1129, 19 déc. 1990, art. 1er), de vente par une société coopérative à un associé (CCH, art. L. 213-8), de sociétés d’attribution (CCH, art. L. 212-13).

Or, il est de principe que si le contrat est nul, la responsabilité de l’une des parties pour le préjudice éventuellement causé à l’autre du fait de la nullité du contrat ne peut être que délictuelle.

Le plus souvent, cette nullité ne peut être invoquée que par le souscripteur (CCH, art. L. 261-11, pour la vente d’immeubles à construire).

La responsabilité est délictuelle quand la responsabilité du promoteur est mise en oeuvre à l’occasion d’un dommage corporel subi par le souscripteur.

C’est à l’occasion de dommages matériels causés aux tiers que le propriétaire, subrogé dans leur action délictuelle, agit sur ce fondement contre les constructeurs (V. réf. préc.) qui ne sauraient alors lui opposer l’extinction du délai de garantie décennale (TGI Brest, 20 janv. 1971 et Cass. 3e civ., 15 févr. 1972, préc.) ou du délai biennal (Cass. 3e civ., 21 févr. 1984 : D. 1984, inf. rap. p. 257 ; RD imm. 1984, p. 192, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli).

L’objet d’un tel recours, s’agissant de dommages causés à des tiers, est en effet extérieur au contrat liant le promoteur et le souscripteur (V. cependant la critique du recours à l’action subrogatoire par J. Fossereau, Le clair-obscur de la responsabilité des constructeurs : D. 1977, chron. p. 26 s.).

La responsabilité du promoteur est engagée pour les troubles de voisinage subis par des souscripteurs d’appartements du fait de copropriétaires du même immeuble (Cass. 3e civ., 10 juin 1980 : JCP G 1980, IV, p. 324).

Le promoteur est également responsable sur le terrain délictuel ou quasi délictuel des dommages causés aux voisins du fait des constructions qu’il a édifiées ou faites édifier (Cass. 3e civ., 21 avr. 1982 : JCP G 1982, IV, 232).

Lorsqu’une société a conclu avec un promoteur, dirigeant de cette société ou étranger à elle, un contrat de promotion immobilière ou lui en a confié les opérations constitutives, la responsabilité que celui-ci est susceptible d’encourir à son égard est avant tout celle d’un cocontractant (Cass. 3e civ., 14 mars 2001 : Juris-Data n° 2001-008847).

Les dirigeants de sociétés immobilières ou de construction sont souvent qualifiés de promoteurs ou de copromoteurs par la jurisprudence, dans la mesure où ils ont eu “l’initiative et le soin principal” de l’opération (Cass. 3e civ., 25 oct. 1972 : AJPI 1973, p. 708, 2e esp. note R. Brun). En tant qu’associés, ils répondent du passif social, conformément aux principes régissant les sociétés civiles et commerciales ou les sociétés immobilières (L. n° 71-579, 16 juill. 1971).

Ces différentes responsabilités souvent in solidum n’étant pas propres à leur qualité de promoteur, ne seront pas traitées ici en tant que telles. On se bornera à en évoquer quelques applications spécifiques.

La responsabilité du promoteur se trouve engagée lorsqu’il dépasse ses pouvoirs : lorsqu’une société civile immobilière a réglé des travaux supplémentaires commandés par son gérant, alors que, sur les documents remis aux associés, figurait le marché originaire à l’exclusion de tout acte modificatif. Le gérant est alors condamné car il ne pouvait engager les associés à effectuer d’autres travaux que ceux prévus au marché qu’avait approuvé l’assemblée générale (Cass. 3e civ., 7 janv. 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 19).

Un promoteur est responsable du préjudice causé à une société civile immobilière par les fautes de gestion qu’il a commises en sa qualité de gérant, pour avoir fait exécuter des travaux d’une manière non conforme à ce qui était prévu au permis de construire sans demander un permis rectifié. Il est alors tenu de réparer le préjudice financier qui est résulté du fait de l’interruption du chantier pendant deux ans (CA Paris, 7e ch. A, 6 juin 1984 : Gaz. Pal. 1985, 1, p. 12 ; RD imm. 1985, p. 161, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin).

Il répond aussi du préjudice causé par une mauvaise gestion et peut être condamné à réparer les conséquences des erreurs et des irrégularités financières ou comptables commises dans la gestion de la société (Cass. 3e civ., 10 déc. 1980 : Juris-Data n° 1980-035336), sans que ses fonctions d’administrateur au sein de celle-ci puisse l’autoriser à se prévaloir de la prescription prévue par l’article 17, alinéa 4, de la loi du 24 juillet 1867, actuellement par l’article 247 de la loi du 24 juillet 1966 (Cass. 3e civ., 10 janv. 1979 : Gaz. Pal. 1979, 1, somm. p. 214 ; Bull. civ. 1979, III, n° 13 ; RD imm. 1979, p. 474, obs. J.-C. Groslière et Ph. Jestaz). Le montant de redressements financiers et comptables à opérer sur le compte existant entre les promoteurs et la société de construction peut ainsi être mis à sa charge (Cass. 3e civ., 10 janv. 1979, 2e esp. : Gaz. Pal. 1979, 1, somm. p. 213).